Description
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Argile, peinture noire, incisions et rehauts blancs et rouges ; Sur un pied bas, très large dans sa partie inférieure, la grande vasque profonde, à courbure continue, accostée de deux anses horizontales, porte un double décor. A l'intérieur du vase, dans un médaillon dont la couleur orangée se découpe sans transition sur le fond noir de la vasque, apparaît la silhouette d'un silène en course, de profil, tournant la tête. L'extérieur de la coupe est orné d'un motif se répétant, identique, sur les deux faces du vase. Lourdement drapé dans son himation, Dionysos, barbu, couronné de lierre, est assis sur un tabouret, tenant le kéras et quatre rameaux feuillus. Deux grands yeux prophylactiques, destinés à éloigner le mauvais sort, surmontés de la ligne ondulée des sourcils, occupent le reste du champ décoratif tandis que, de part et d'autre des anses, des satyres sont engagés dans une danse frénétique, coupe à la main, accompagnés de dauphins bondissants. Vase à boire par excellence, la coupe prend une importance particulière à la fin du VIe siècle av. J.-C. Les vases, jusqu'alors pour l'essentiel réservés aux cérémonies religieuses, sont utilisés dans le banquet profane. Sensible dans le changement des formes en usage à cette époque, cette destination nouvelle l'est plus encore peut-être dans le répertoire décoratif qu'adoptent les peintres. Sur la coupe du musée d'Amiens, au côté des satyres, silènes et dauphins qui évoquent le monde dionysiaque, apparaît le dieu du vin lui-même, figuré en majesté au centre des deux champs décoratifs. Le kéras à la main, il nous rappelle qu'il est le seul autorisé à boire le vin pur dans cette corne à boire réservée au dieu ou dans le canthare. Les hommes, quant à eux, le coupent d'eau dans un cratère avant d'en remplir l'oenochoé que les esclaves font circuler parmi les convives réunis pour le symposion. Inclinant sa coupe pour s'abreuver du divin liquide, chaque buveur est alors une image saisissante pour son compagnon, fixé par deux grands yeux au milieu d'un visage dont les oreilles seraient symbolisées par les anses et la bouche par le dessous du pied. Tout ici évoque le monde du vin, "le divin cadeau de Dionysos", le liquide précieux qui joue un rôle essentiel lors des libations en l'honneur des dieux mais celui aussi qui apparaît dans la vie de tous les jours, dans un style qui a perdu beaucoup du point de vue de la qualité. Marqué par un certain conservatisme de la forme, sensible dans la figure du silène du médaillon par exemple, par une rapidité dans l'exécution manifeste dans la silhouette de Dionysos, rapidement esquissé sur un fond que l'on reconnaît végétal aux grappes de raisin presque informes, le vase est représentatif de la production céramique à figures noires de la fin du VIe siècle et du début du Ve siècle av. J.-C. Au côté des vases à figures rouges très soignés, se maintiennent alors certaines formes dans l'ancienne technique qui, destinés à une clientèle sans doute moins aisée et à une exportation en masse, ne peuvent prétendre à la même qualité. Si le vase ne vaut pas par sa qualité d'exécution, il apporte cependant un témoignage précieux sur les changements qui s'opèrent dans la société grecque à la fin de la période archaïque.
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Bibliographie
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Marie-Christine Gonnot, Statuettes et vases grecs au musée de Picardie, Amiens, C.R.D.P., 1987. (p. 10, n° 6) Noël Mahéo (dir.), "Les Collections archéologiques du musée de Picardie", Amiens, Trois Cailloux, Musée de Picardie, 1990, 331 p. (p. 86 et 87, n° 31 (notice de Sylvie Drivaud))
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