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Réponse n° 41
Domaine

peinture

Dénomination

tableau

Titre

L'Arrestation du Christ

Auteur/exécutant

JORDAENS Jacob

Précision auteur/exécutant

Anvers, 1593, Anvers, 1678 ; malgré l'absence de toute signature, date ou inscription, l'attribution de l'oeuvre à Jordaens n'a jamais été mise en doute

Ecole

Flandres

Période création/exécution

17e siècle

Historique

Il s'agit d'une des plus intéressantes créations de l'artiste à une époque où son style se relâche incontestablement, c'est à dire dès les années cinquante. Comme l'ont bien montré d'Hulst et Jaffé les oeuvres de grandes dimensions se succèdent alors sans interruption et Jordaens fait de plus en plus appel à son atelier ou utilise des schémas de composition préexistants. Cette pratique prend de telles proportions que certaines oeuvres se présentent comme de véritables pots-pourris, pour reprendre l'expression imagée de d'Hulst. Certes notre Arrestation n'est pas exempte de ces emprunts à des oeuvres antérieures, et la citation la plus importante est sans doute le personnage couché sur le flanc, jambes et bras en l'air, au tout premier plan. On retrouve cette figure, et au même endroit, dans la tapisserie Alexandre blessé à la bataille d'Issus datée des années 1620 par M. Jaffé. Ce personnage gesticulant et à la renverse, sorte d'emblème de la frayeur, se retrouve aussi dans l'Arrestation de Cleveland qui constitue bien entendu la grande oeuvre peinte de référence de notre tableau. Un autre rapprochement s'impose, avec le Jésus chassant les marchands du temple (Louvre, v. 1645-1650);on retrouve dans le tableau de Valenciennes ce même personnage accroupi, vu de dos, au tout premier plan et vers la gauche. Il est à nouveau présent dans une autre version du thème, conservé au Service néerlandais du Mobilier national à La Haye, cette figure est encore plus proche de celle du tableau de Valenciennes. Rien d'étonnant puisque les deux oeuvres sont contemporaines, le tableau de La Haye étant daté par M. Jaffé d'environ 1657. La radiographie a permis de révéler plusieurs repentirs : dans les membres des personnages jetés à terre, au premier plan et surtout dans le visage du Christ, originellement tourné vers l'homme en armure tenant une lanterne. Ces reprises, ces modifications en cours d'exécution prouvent bien que nous sommes en présence d'une oeuvre originale peinte par Jordaens avec toute la spontanéité et la vivacité qui lui sont propres. L'un des grands mérites de cette oeuvre est de prouver que Jordaens parvenu à sa maturité, riche d'une longue et fructueuse carrière, sait éviter les pièges de l'éclectisme. Dans une composition simplifiée, notamment par rapport à la version de Cleveland, il nous livre sa propre méditation sur cet épisode de la Passion du Christ. Le tableau de Valenciennes apparaît comme l'ultime version d'un thème plusieurs fois représenté. Mais Jordaens n'est pas le seul des peintres majeurs anversois à traiter à plusieurs reprises ce sujet éminemment pittoresque, Van Dyck l'aborde au moins une dizaine de fois dans des techniques diverses. Rubens, quant à lui, ne l'évoque qu'une seule fois dans un panneau du musée Boymans-van Beuningen de Rotterdam, il s'agit probablement d'une oeuvre de jeunesse marquée par la culture italienne. On a souvent remarqué la tendance classique des oeuvres de la dernière période de l'artiste. Elle s'impose ici avec cette composition frontale, comme si souvent chez ce peintre;l'impression de mouvement, de multitude, n'est pas un effet de perspective ou de profondeur, mais plutôt le résultat d'une accumulation, d'un entassement parfaitement mis en valeur par la figure calme et statique du Christ, contrepoint saisissant à la foule jetée à terre. Ceparti, assez radical, s'apparente à une démarche de type classique par sa volonté de rigueur explicite et de clarté dans l'expression.. Comme toujours chez Jordaens les références s'ajoutent les unes aux autres, et c'est vers des maîtres plus anciens que l'artiste se tourne lorsqu'il réfléchit à la composition de ce grand tableau. C'est dans des oeuvres du siècle précédent le sien qu'il a pu rencontrer cette image d'un Christ apaisé et dominateur. N'ayant jamais quitté les Pays-Bas, Jordaens connaissait moins bien l'art italien et notamment le grand décor, par contre il avait un accès très facile à l'art des pays du Nord diffusé par les gravures et les dessins. Cette peinture puissante et personnelle est à mettre au crédit de la force créatrice d'un artiste que l'on a souvent jugé décadent et répétitif à partir du seuil des années 1650. La grande exposition organisée en 1993 par le musée d'Anvers montrait en effet une dernière période non exempte de lourdeurs et d'ennuis où le vieux maître fatigué manquait d'inspiration. La redécouverte de l'Arrestation de Valenciennes régénérée par une brillante restauration, doit permettre de réévaluer l'art d'un Jordaens qui règne alors sans rival à Anvers mais qui est aussi capable, au soir de sa vie, de se renouveler et de nous surprendre. Patrick RAMADE

Matériaux/techniques

peinture à l'huile, toile

Dimensions

H. 293, l. 277

Sujet représenté

scène biblique (Arrestation du Christ, saint Pierre, Malchus, couché, arme, torche, chien)

Précision sujet représenté

En choisissant de représenter Jésus isolé et dominant une foule informe, Jordaens ne nous fait que mieux ressentir la tragique solitude du Dieu fait homme, au seuil de son martyre. La composition de Valenciennes se situe dans une tradition iconographique qui vise à présenter le Christ comme un éphémère triomphateur des ténèbres et de la violence humaine, immédiatement avant d'être livré à ses bourreaux. Fidèle à cette tradition nordique Jordaens est aussi fidèle au récit de l'Évangile de Jean, le seul à mentionner l'épisode des soldats tombant à la renverse : Jésus s'avançant vers les soldats, leur dit : Qui cherchez-vous ? Ils lui répondirent : Jésus de Nazareth. Dès que Jésus leur eut dit : C'est moi, ils reculèrent et tombèrent par terre (Jean XVIII, 6). La représentation de cet épisode est souvent augmentée d'un autre événement : l'essorillage de Malchus. L'histoire est rapportée dans les quatre évangiles. Jean en rend compte de la façon suivante : Alors Simon-Pierre, qui portait un glaive, le tira, frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l'oreille droite. Ce serviteur avait nom Malchus (Jean XVIII, 10). La tradition réaliste nordique s'est assez tôt emparée de cette anecdote que l'on trouve, dès le XVe siècle, associée à l'épisode de l'Arrestation. On rencontre cette association chez Martin Schongauer, Lucas van Leyden, et chez la plupart des graveurs flamands des XVIe et XVIIe siècles qui illustrèrent la Passion. Le traitement à deux reprises par Dürer devait bien entendu contribuer à populariser le thème. L'Arrestation est le sujet d'une planch de la Grande et la Petite Passion qui paraissent en 1511. Dans les deux compositions le combat de Pierre et de Malchus est très explicitement placé au premier plan, groupe emblématique de la violence de la scène. Un contemporain et disciple de Dürer, Hans Süss von Kulmbach aborde le motif dans un dessin du musée de Dresde. L'affrontement Pierre-Malchus est relégué au second plan tandis que la totalité du premier plan de la composition représente les soldats jetés à terre et effrayés par l'irruption du Christ, longue et frêle figure, mais fermement dressée et le geste autoritaire. C'est finalement le parti qui sera adopté par Jordaens quelques cent quarante ans plus tard. A la fin du XVIe siècle, à Anvers, Martin de Vos illustre le sujet en gravure une bonne douzaine de fois. Dans le parti résolument original qu'adopte Jordaens au regard de l'iconographie traditionnelle, le traitement du Christ demeure singulier. Cette forme monumentale, rejetée dans un angle de la composition semble inaccessible aux agissements humains, désordonnés et fracassants. Fidèle à l'évangile, le peintre présente le Christ avec ce mélange ambigu de fragilité et de force, puisque sa soumission est aussi la cause d'une capitulation spectaculaire d'hommes armés. Cet épisode constitue l'expression même d'un paradoxe : c'est au moment où le Christ est capturé, annihilé, qu'il devient triomphant et glorieux, au seuil même de sa Passion mais déjà détaché du monde terrestre. Là se trouve le message spirituel de Jordaens qui toute sa vie a traité les grands thèmes religieux mais qui le fait rarement avec autant de conviction et de foi dans le mystère de l'incanation divine. Sur la toile même, comme l'a révélée la radiographie, le peintre a modifié la conception de cette figure magistrale du Christ, le réseau de plis du drapé, mais surtout la position de la tête, montrent des modifications en cours d'exécution, signe tangible de l'importance symbolique accordée à cette forme. Le regard n'est plus tourné vers les corps jetés à terre, il est devenu lointain, comme absent, voire étranger au tumulte dont il est la cause. Le caractère étrange de cette figure tient aussi à son geste de la main, la paume ouverte, en signe d'acceptation du destin. On retrouve cette attitude hiératique du Christ dans deux oeuvres contemporaines du milieu des années cinquante : le Christ guérissant des malades de l'Ermitage. et le Laissez venir à moi les petits enfants de Copenhague. Dans ces oeuvres, comme dans l'Arrestation de Valenciennes Jésus ne se mêle pas à la foule, il s'en détache pour mieux la dominer. Mais l'efficacité première de cette Arrestation ne tient pas seulement à sa composition qui est l'expression d'une dramaturgie spectaculaire. Il s'agit essentiellement d'une authentique peinture religieuse méditée et inspirée, qui dépasse de beaucoup le pittoresque anecdotique d'un sujet que bon nombre d'artistes dont su transcender. Peut-être cette ferveur et ce nouvel élan sont-ils le fait de l'adhésion du peintre à la foi protestante ? Patrick RAMADE Conservateur en chef du musée des Beaux-Arts de Valenciennes

Source sujet représenté

Nouveau Testament

Lieu de conservation

Valenciennes ; musée des beaux-arts

Musée de France
au sens de la loi n°2002-5 du 4 janvier 2002

Statut juridique

propriété de la commune ; Valenciennes ; musée des Beaux-Arts ; achat avec participation

Anciennes appartenances

Diepolder, Allemagne ; Klingstirn, Grafelding-lez-Munich (1932) ; Kisters, Kreuzlingen (Suisse, 1994)

Numéro d'inventaire

94.11.1

Commentaires

L'acquisition de l'Arrestation du Christ de Jordaens est exceptionnelle à plus d'un titre. Cet achat apparait, et de loin, comme le plus important jamais fait par la Ville de Valenciennes. Les oeuvres de cette importance et de cette taille sont rares. L'oeuvre provient d'une collection privée et son histoire ancienne demeure inconnue. Elle est découverte en 1932 par le peintre munichois Adolph Klingstirn. Comme le signale Léo van Puyvelde une piste demeure : la vente Johan Marselis, le 25 avril 1703 à Amsterdam (no 3). Il est maintenant établi que ce format de l'oeuvre a été modifié (une forme supérieure cintrée est tout à fait possible)

Exposition

1997, Valenciennes, Musée des Beaux-Arts L'Arrestation du Christ de Jordaens. Anatomie d'un chef-d'oeuvre, 71 p. (p. 65)

Bibliographie

VAN PUYVELDE, Léo : Jordaens. Paris, Bruxelles : 1953 (p. 192, 215) ; d'HULST R.A., De tekeningen van Jakob Jordaens. Bruxelles, 1956 (no 115) ; Jaffé, Michael.Commentaires sur l'exposition Jordaens in Bulletin de la Galerie nationale du Canada. (p. 24-26) ; RAMADE, Patrick. Jacob Jordaens. L'Arrestation du Christ, dans Revue du Loeuvre et des Musées de France, 1995, n° 2

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Requête :   ((1994) :APTN )
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