Précision sujet représenté
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Bien qu'espacées dans le temps (1976 pour l'une et 1996 pour l'autre) les deux oeuvres choisies par le musée de la ville sont très représentatives et caractérisent l'essentiel de ce qui fait le contenu de mon travail : 1976 : Un moment de recueillement 1996 : L'offrande au bain Le premier tableau, est peint à l'huile sur toile dans un style précis, " soigné ", presque précieux, dans des tons clairs de gris, gris vert, gris perle, nacre, vieux rose. Il y a quelque chose de " clinique " dans cette précision des formes qui ajoute du sens au propos. Le second intitulé est peint plus librement à l'acrylique sur panneau de bois avec une matière plus épaisse, voire rugueuse, dans des tons plus sombres de noirs, de bruns et de verts permettant des effets de lumière plus évidents et des transparences différentes. Là aussi, la matière qui donne vie à la forme renforce le sens de ce travail. L'un et l'autre confronte des personnages, pourvus d'accessoires éventuellement inquiétants, qui semblent suspendus dans le temps et enfermés dans leur silence. Ces deux tableaux sont presque composés de la même façon : format carré, peu de perspective ou de profondeur, pas de hors champ (tout se joue ici comme une petite scène de théâtre), proximité du " regardeur " dont l'oeil se situe au niveau de la représentation, même équilibre des masses principales, même vacuité du décor. On pourrait croire, à les voir rapidement que leur thématique est commune. On sait mon travail parcouru, habité, obsessionnellement visité, pourrait-on dire, d'inquiétudes métaphysiques, de peurs ou de défiance des systèmes oppressants ou des machinations tyranniques, très soucieux de la fragilité du monde et des hommes, doutant de leur capacité ou de leur puissance à mettre en oeuvre leur droit au bonheur, et craignant de voir victorieuse la bête enfouie au plus profond de nous. " Un moment de recueillement " présente deux personnages semblant méditer devant des restes, des débris rangés en partie dans des boîtes. Ils sont affublés de masques et vêtus de rembourrage autant par protection d'un possible danger (de contamination ?) que peut-être pour ne pas bien voir, sentir et toucher ce qui est présenté devant eux. On sent comme une gêne, une retenue, une légère honte dans leur attitude. Rien de spectaculaire ni d'effectif ne se passe dans cette curieuse atmosphère à la fois pesante, amortie, et comme " gazeuse ". On pourrait dire que ce tableau, comme tant d'autres chez moi, lie la destinée humaine, la fragilité et l'impermanence de l'homme à son aveuglement devant les enjeux réels de sa survie. " L'offrande au bain " présente un être mi-momie mi-larve, sans bras, avec comme seul appendice facial un embout de filtre, assis dans un siège contemporain translucide. Tout comme le masque à gaz, cette représentation, très caractéristique dans mon travail, est récurrente et quasi permanente. C'est l'image d'un être inachevé, d'un " homme " non fini, une sorte d'imago auquel il va falloir trouver un visage, une identité. Devant lui, fébrile, se précipite un " monstre " noirâtre à trompe qui porte entre ses " mains " une tête humaine transparente et fragile comme une bulle de savon. Deux bassines en métal rouillé sur le sol et un " oeilleton " brillant et suintant au mur forment le décor de cette scène. Dans ce tableau, il s'agit plus de l'identité humaine, avec la problématique du " visage " comme reconnaissance de l'autre (ainsi que formulé par Lévinas) et la question angoissante et éternelle " qu'est-ce qu'un homme ? ". "Créées à vingt ans d'écart, ces deux oeuvres gardent en elles une pensée qui chemine comme un fil rouge, qui s'affirme et qui s'est fortifiée en se frottant au monde au cours de mes voyages, en Égypte surtout et en Inde, et avec tout ce qui a participé à ma vie de peintre..." M.GM
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