Historique
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Cette large coupe en cristal à bord légèrement évasé et ourlé présente un décor gravé d'écailles dorées ornées de trois points bleu, rouge et vert. Elle appartient à un type bien représenté dans les collections publiques (entre autres Lyon, musée des Beaux-Arts - Paris, musée du Louvre - Paris, musée des Arts Décoratifs - Cobourg, Kunstsammlungen der Veste Coburg), qui se compose d'une coupe largement ouverte au bord plus ou moins évasé et ourlé, montée sur un pied court creux aux mêmes caractéristiques. Ici, la jambe plus développée de notre pièce, portée par un large pied plat et plus court et sans décor émaillé, suggère une réfection. Ce type de coupes est très caractéristique de la production de Murano à la fin du 15e siècle ou au début du 16e siècle. La longue tradition du verre de Venise, attesté dès le VIIe siècle, connaît un âge d'or à cette époque avec des pièces en cristal translucide ou en verre bleu, ornées de motifs d'émail polychrome et de rehauts d'or, à motifs décoratifs ou iconographiques. Ces pièces sont appréciées dans toute l'Europe et collectionnées par les plus grands amateurs. (d'après Géraldine Petit, Catalogue raisonné de la collection de verrerie occidentale (XVe-XXe siècles) du musée des Beaux-Arts de Dijon, 2 vol., Mémoire de Master I d'histoire de l'Art Moderne de l'université de Bourgogne, 2005) ; Contexte historique : Tradition héritée de l'Antiquité, directement et par l'intermédiaire des liens commerciaux avec l'Empire byzantin et de l'Orient islamique. Ateliers dès le VIe-VIIe siècle, attestés par des fouilles ; production importante aux XIIe-XIIIe : mosaïques, bouteilles, vaisselles, perles. Production réglementée aux XIIIe-XIVe, 1292 transfert à Murano pour éviter les incendies : constitution d'une corporation soudée, jalouse de ses secrets. Production d'apparat destinée à l'exportation dès le 16e. Fin 15e-16e l'âge d'or Formes inspirées par l'orfèvrerie gothique : gobelets avec couvercles, tasses sur pied, gourdes, coupes Verre de couleur, verre imitant la porcelaine (latticinio, blanc translucide) ou les pierres dures (calcédoine) Décor de scènes figurées multicolores 2ème moitié 15e : mise au point du verre incolore par utilisation de quartz très pur et de la chaux, imitant le cristal, soufflé jusqu'à une extrême finesse : verre cristallin. Décor à l'émail de couleur (pointillés multicolores) et à la feuille d'or (appliquée, on dégage le motif par grattage) ; "vetro à filigrana" : baguettes de verre blanc et incolore, torsadé ; verre craquelé, en plongeant le cristal incandescent dans de l'eau froide ; verre gravé, moulé. Le verre blanc ou bleu avec des décors d'or et d'émail de couleur se prête particulièrement bien au décor héraldique, qui en font des pièces isolées, offerts à l'occasion de cérémonies, souvent des mariages, et destinées à figurer sur les dressoirs avec les pièces d'orfèvrerie, d'émail ou de céramique. Il existe aussi des "services" d'apparat. Parmi ces oeuvres, de coupes comparables à la nôtre : 4 pièces aux armes d'Anne de Bretagne, dont une coupe sur pied à Ecouen, Venise entre 1498 et 1514 Coupe aux armes d'un pape Médicis, Venise entre 1513 et 1534, Louvre Dès 1ère moitié 16e, imitations dans toute l'Europe, particulièrement à l'initiative des princes qui font venir des verriers avec ou sans l'accord de la République, et dans les cités industrielles et commerçantes : Autriche et Allemagne du Sud, Pays Bas et Angleterre, Espagne. En France, ateliers ponctuels, puis grâce aux Gonzague à Nevers en 1570 Coupe aux armes de Catherine de Médicis, Saint-Germain-en-Laye ?, après 1531. Moins prestigieuse que ces trois exemples, la coupe présente la forme classique des coupes sur pied de Murano du début du 16e ; décor d'écailles ornées de trois points d'émail bleu, rouge et vert et soulignées de points blancs ; bandes de points blancs et bleus, rehauts d'or. Le pied est une réfection. Un peu trop haut par rapport à la normale, il trahit quelque peu les proportions de l'oeuvre. Objets proches dans les collections françaises : au Louvre, trois coupes sur à décor en écailles avec des variantes dans la disposition, datées début 16e, et une sur fond bleu, datée fin 15e. celle du MBA de Lyon, décor identique mais forme plus marquée par l'influence de l'orfèvrerie (godrons), et pied d'origine. (Sophie JUGIE pour présentation aux conférencières 26/01/1999)
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Bibliographie
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Gleize (Emile), Catalogue descriptif des objets d'art formant le musée Anthelme et Edma Trimolet, Dijon, 1883 (n° 996 (Venise, XVIe siècle)) Petit (Géraldine), Catalogue raisonné de la collection de verrerie occidentale (15e-20e siècles) du musée des Beaux-Arts de Dijon, 2 vol., Mémoire de Master I d'histoire de l'Art Moderne de l'université de Bourgogne, 2005 (Vol. I, n° 1)
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