Historique
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Tantôt désignée comme table à ouvrage ou table prie-Dieu, cette table fut offerte à la duchesse d'Aumale lors de son mariage par sa tante, Marie-Christine de Bourbon des deux Siciles, reine de Sardaigne. Rapportée à Paris, la table fut un court moment placée dans l'appartement du duc et de la duchesse d'Aumale aux Tuileries puis envoyée à Chantilly le 27 septembre 1845. Ainsi que le rapporte l'étiquette manuscrite collée dans le tiroir de la table : " Tavolo eseguito in Torino nella fabbrica di mobili di CAPELLO Gabriele de MONCALVO ebenista, da esso medesimo inventato e disegnato d'ordine di S.E. il conte Collobiano, Intendente generale della Casa di S.M. Maria Cristina Regina di Sardigna, nelle anno 1844. ", cette table fut fabriquée par Gabriele Capello à Turin en 1844. Considéré comme l'un des plus grands ébénistes italiens du XIXe siècle, Gabriele Capello dit Moncalvo, du nom de sa ville natale où il vit le jour le 14 mars 1806, développa à Turin un atelier qui s'imposa très vite par le goût, l'originalité et la qualité des ouvres qui y furent produites. Capello di Moncalvo travailla successivement pour les rois Carlo Alberto et Vittorio Emanuele II, et se rendit célèbre avec le mobilier étrusque du château Racconigi. En 1851 lors de la première Exposition Universelle, à Londres, il reçut une médaille d'or qui couronnait sa carrière mais surtout les mérites d'un artisan qui avait su adapter aux débuts de l'ère industrielle le métier d'ébéniste, car Capello di Moncalvo ne fut pas seulement un excellent ébéniste mais aussi un grand philanthrope . Ce meuble ingénieux est orné d'une très belle marqueterie d'ivoire se détachant tantôt sur du palissandre tantôt sur de l'ivoire. Le dessus est décoré d'une micro-mosaïque représentant le port de Naples avec à l'arrière plan le Vésuve en éruption. Cette mosaïque, signée en bas à droite de G. Barberi, est encadrée de deux putti agenouillés. Autour court un triple ornement à la grecque en marqueterie d'ivoire, citronnier et ébène. Une fois le dessus de la table relevé, il forme une table à ouvrage, présentant un plateau en deux parties égales, plaquées de citronnier décoré de rinceaux stylisés en ébène et renfermant chacune en leur milieu une miniature ovale. La première partie porte une grande miniature représentant sept membres de la famille. De gauche à droite on identifie François 1er (1777-1830) roi des Deux-Siciles, sa seconde épouse Marie-Isabelle de Bourbon (1789-1848) fille du roi d'Espagne Charles IV, Ferdinand 1er (1751-1825) roi de Naples, Louise de Bourbon (1804-1844) fille aînée de François 1er et épouse du duc de Cadix infant d'Espagne, le prince de Salerne (1790-1851) père de la jeune mariée, Marie-Amélie (1782-1866) et Louis-Philippe (1775-1850). La seconde partie présente une miniature ovale ornée d'arabesques avec au centre dans un médaillon, un portrait de Marie-Christine de Bourbon, fille du roi Ferdinand 1er , donatrice de cette table. Dans la ceinture de la table est ménagé un tiroir dont la profondeur correspond à cette seconde partie, il renfermait une boîte à ouvrage avec pelote, un poinçon, une paire de ciseaux, un porte crayon, un étui, un dé, six étoiles pour le fil le tout en vermeil. La première partie du plateau sur lequel sont portées ces miniatures ovales peut, à l'aide d'un ruban de soie bleue, se replier sur la première partie afin de former un appui garni de velours de soie bleue. Il dissimule trois compartiments également garnis de velours où sont placés trois écrins en écaille incrustée. L'un contenait un livre de prières, le second un chapelet et le troisième une parure de bijoux. Le meuble se transforme alors en petit oratoire. Entre les quatre pieds formés de colonnes cannelées sur lesquels repose le meuble, une entretoise se déplie et constitue un agenouilloir également recouvert de velours bleu. Le plateau relevé de la table, s'ouvre par deux volets eux aussi plaqués de citronnier avec dessins géométriques, palmettes et volutes en bois d'ébène. Derrière ces volets se trouve un retable en écaille dans lequel sont enchâssées trois plaquettes en ivoire séparées par des pilastres surmontés de chapiteaux en argent. La plaquette centrale représente l'Annonciation, elle est signée MARCHINO F.1834. A droite et à gauche en pendant, deux autres plaques représentent l'une sainte Amélie, patronne de Marie-Amélie belle-mère de la nouvelle duchesse d'Aumale et l'autre sainte Christine, patronne de la reine de Sardaigne, sour de Marie-Amélie et tante de la duchesse d'Aumale. Ces deux dernières plaques ne sont pas signées mais ont vraisemblablement été produites par le même artiste. Les inventaires ne précisent pas son emplacement lors de l'envoi à Chantilly mais il est raisonnable de penser qu'elle fut installée dans la chambre de la duchesse puisque c'est à cet endroit que le duc d'Aumale la fit placer après l'exil. L'autre prie-Dieu de la duchesse (notice 85) était alors aux Tuileries. Le meuble fit parti des envois de 1852, il quitta Chantilly en novembre et fut installé à Orléans House dans le cabinet de travail situé dans le milieu de la galerie . Il fut alors enregistré sous le numéro 32 du nouvel inventaire typologique. Après l'exil, la table fut temporairement remisée dans la salle du jeu de Paume qui servit de garde-meuble au duc d'Aumale pendant la durée des travaux de remise en état des petits appartements. Puis on la retrouve dans la chambre de la duchesse d'Aumale jusqu'à l'état dressé par les exécuteurs testamentaires du duc. Anne FORRAY-CARLIER, Le Mobilier du château de Chantilly. Editions Faton, 2010
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